Leadership féminin et égalité : la vision d'Isabelle Richard, directrice de l'EHESP
"L'égalité est inscrite dans notre devise républicaine et certains ne sont pas plus égaux que d’autres. En tant que responsable publique, c’est aussi pour des raisons de performance que le sujet me semble important. Les équipes mixtes fonctionnent mieux."
À l'occasion de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars prochain, Isabelle Richard partage sa vision de l'égalité hommes-femmes et du leadership féminin. Directrice de l'EHESP depuis octobre 2022, elle est également professeure des universités et praticienne hospitalière en médecine physique et réadaptation depuis 1998. Ancienne vice-présidente de l'université d'Angers en charge de l'égalité depuis mars 2020, elle nous offre un témoignage inspirant et éclairé.
Comment l’EHESP se saisit des enjeux liés à l'égalité femmes-hommes (valorisation de parcours, recherche, formations, engagement des personnels). Avez-vous des exemples concrets ?
Notre attention à l’égalité femmes-hommes et plus généralement aux questions de diversité, d’équité et d’inclusion concerne à la fois notre rôle d’employeur, et notre activité de formation et de recherche. Concernant l’égalité professionnelle nous disposons d’un plan d’égalité professionnelle. Celui-ci associe aux 4 axes communs à tout le secteur de la fonction publique deux chapitres supplémentaires : la gouvernance de l’égalité femmes-hommes pour affirmer que cette politique est directement sous le pilotage de la direction de l’établissement, et la promotion des thématiques « genre et santé » en lien avec notre activité de formation et de recherche.
Des mesures concrètes ont été mises en œuvre par exemple pour former tous les comités de recrutement aux biais inconscients relatifs au genre, ou tous les apprenants à la prévention des comportements sexistes et des violences sexistes et sexuelles. Les personnels sont majoritairement très attachés à cette thématique et ont proposé des actions que nous avons été heureux de soutenir comme notre participation à Octobre rose. Dans le cadre de l’université de Rennes nous nous sommes associés à plusieurs manifestations de promotion des femmes en science dont l’exposition photo récemment accueillie. Enfin ces sujets sont au cœur d’activités de recherche. On peut citer les travaux sur l’inégalité d’accès à la greffe rénale selon le genre, ceux de la chaire Inspire sur les inégalités de parcours dans la Sclérose en plaques, pathologie à prédominance féminine et dont certains enjeux comme la maternité sont spécifiques, ceux sur l’état de santé des soignants, de nouveau majoritairement des femmes. Nous sommes très attentifs à la diffusion de ces travaux, dans la communauté scientifique au travers de nos publications ou séminaires mais aussi vers le grand public..
En tant que directrice de l'EHESP, et donc femme leader en santé publique, dans quelle mesure ce sujet vous tient-il à cœur ?
J’aimerais beaucoup qu’ils ne me tienne plus à cœur…. C’est sans doute plutôt en tant que mère de trois filles, grand-mère de deux petites-filles, professeure ayant accompagné de très nombreuses étudiantes, que je n’ai pas toujours convaincues que le leadership était aussi pour elles qu’il me tient à cœur. L’égalité est inscrite dans notre devise républicaine et certains ne sont pas plus égaux que d’autres. En tant que responsable publique, c’est aussi pour des raisons de performance que le sujet me semble important. Les équipes mixtes fonctionnent mieux. Et si « l’élite », pour autant que ce terme ait un sens, ne provient que de 50% de la population, alors elle est moins diverse et moins talentueuse. En bref tout le monde a à y gagner et il est grand temps.
Lors d'un webinaire sur le genre et la recherche, vous avez mentionné que les femmes occupant des postes à haute responsabilité (comme directrice, chercheuse…) ont pu rencontrer des obstacles qu'elles ont pu un peu oublier avec le temps.
Vouliez-vous dire que l'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas acquise et qu'il faut continuer à y travailler ?
Je voulais surtout prévenir les femmes en situation de responsabilité, que le sujet peut agacer tant il leur est souvent proposé, ou parce qu’elles sont sollicitées pour telle ou telle fonction au titre de la parité, que leur angle de vision est déformé, et sous-estime les difficultés. Par définition elles sont des survivantes d’un système globalement discriminatoire. Elles ont eu de la chance, souvent plusieurs fois. Et elles ont eu les ressources internes ou externes pour surmonter les obstacles. De la à penser que toutes peuvent le faire et à renvoyer les inégalités à des insuffisances individuelles il y a un pas… qu’il ne faut pas franchir.
Concrètement, avez-vous l’impression que certaines actions en faveur de l’égalité sont parfois remises en question ou pourraient l’être ?
Simone de Beauvoir l’a écrit brillamment : « Rien n'est jamais définitivement acquis. Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes…». La situation actuelle dans le monde nous le rappelle bruyamment.
La lutte contre les droits des femmes, dont les droits reproductifs, la mise en cause des politiques d’égalité est l’un des fers de lance de la révolution conservatrice. L’égalité femmes-hommes joue le rôle de canari dans la mine quand les valeurs démocratiques sont mises en cause.
Pour découvrir en détail les engagements et les actions menés par l'école, nous vous invitons à consulter le site internet institutionnel de l'EHESP